Attila à Reims ou ailleurs mais dans L’Union (bis)
Suite à la notice n°20, voici quelques exemples commentés, après lecture détaillée et critique, qui montrent comment est traitée -fort mal !- « L’année 451 » et la bataille des Champs Catalauniques, « bataille qui sauva l’Occident » ; c’est une « chronique historique » (sic) d’Alain Di Rocco parue en 2009 mais dont L’Union du dimanche 13 juin a fait un étonnant compte rendu.
Une lecture page à page de ce livre apporte beaucoup trop de remarques,d’ incompréhensions, de contre-vérités à relever, etc. pour tenir ici sur cette notice ; voici seulement quelques beaux exemples :
- p. 9 (Avertissement) : « seuls les dialogues… ont été imaginés » et le « récit historique « n’est pas une fiction » ! car lieux, villes assiégées, dates « sont confirmés dans l’Histoire » ; tout est dit sur cette façon de fabriquer des histoires à partir de « l’Histoire », par affirmation mais pratiquement aucune citation, ni référence, ni bibliographie et avec seulement un glossaire indigent.
- p. 11 (Avant-propos) : naissance, vie et mort de tous les empires… le « régime démocratique » de la Grèce… la « recette républicaine » de la Rome pré-impériale… Beaucoup de beaux sentiments, face au « danger barbare » ; p. 16, seul éclair de lucidité : « l’histoire de la bataille des Champs catalauniques, se déroula en 451 ap. J.-C., quelque part en cette terre gauloise si tourmentée »… mais tout est déjà dit car « l’Histoire voulut donner une destinée semblable à tous ces empires : s’éteindre dans de moult tourments »…
- p. 29 « L’illustre Dieu Mars s’adressant » à son fidèle serviteur Aetius » : « Ho (sic) vénéré Aetius… » c’est déjà une bizarre inversion des rôles ! mais en prime ensuite : « quel oratoire, quelle élocution de Mars » (sic) ; oratoire pour oraison ? ou pour art oratoire ? mystère…
- p. 36 « La première investiture d’Attila dans l’Empire d’Occident fut une région abritant de grosses cultures »… autre mystère du vocabulaire : intrusion, occupation plutôt qu’investiture ? la seule investiture d’Attila serait celle de maître de la milice au même titre qu’Aetius…
- p. 40 « face à ces démons aux allures de diables »… « l’urgence d’une réaction défensive fut dénoncée de par la voie [romaine ?!] de diverses autorités… » etc. La fin du paragraphe est encore plus incompréhensible. On pourrait multiplier ce genre d’exemples et on croirait être en face d’une traduction automatique mal utilisée. Où sont les relectures de/des auteurs ? de l’éditeur, même à compte d’auteur ?!
- p. 78-85 « La route de Champagne… » (sic)… « Attila entre dans Reims »… mais en attendant, voir p. 79, « les populations de Champagne orientale vivaient au quotidien les débordements sadiques des démons asiatiques ». « Cette bestialité usait les patiences » (sic) ! La description du sort réservé aux femmes des villages de la région de Suippe est hallucinée, si ce n’est pire… : « arrachées au sol par les lassos mongols » car « elles captivaient leurs désirs aux desseins si sordides ». Les Huns se délectaient… de ces créatures à la peau blanchâtre… etc. etc.
Tout ça accompagné d’une beau croquis de circulation avec flèches tourbillonnantes ! Entre racisme et clichés militaires cette belle page a certainement échappé à l’attention de l’éditeur et du journaliste de L’Union. Sur la route « de Champagne » on est pas à ça près.
Quant au lasso et aux armes des barbares, il faudrait, plus sérieusement, jeter un coup d’oeil dans les nombreux et sérieux ouvrages de Iaroslaw Lebedynsky, historien français d’origine ukrainienne, souvent chez l’Harmattan ou Errance ; cf. wikipédia, cf. aussi la question des Sarmates en Gaule et à Reims (voir M. Chossenot, JJ Valette, colloque SFO de Reims, 2005, Presses Universitaires de Valencienne, pp. 137-140, Espace représenté, espace dénommé : géographie, cartographie, toponymie).
Reste à subir la lecture de l’entrée d’Attila dans Reims et à « expliquer cet exploit »… p. 84-85 mais est-ce que cela justifie le titre racoleur de l’article de L’Union ? En effet A. Di Rocco est ici moins prolixe que pour la région de Suippes. « Les portes de la ville cédèrent rapidement » mais Attila se sentit vulnérable, il leva le siège et « aucun incendie ne fut signalé [aux archéologues ?] au sein de la cité de Reims ». Tout va donc pour le mieux, grâce à Dieu : l’archéologue Di Rocco, dixit son éditeur, car il est italien (couv. p. 4), semble bien utiliser, volontairement ou pas, le récit traditionnel et hagiographique de l’entré des Vandales dans Reims mais à la Noël 406-janvier 407 ; les Vandales sont réputés y avoir coupé la tête à Saint-Nicaise et à sa soeur ; ils ont ainsi, involontairement, évité qu’un général « romain » et converti, Jovin, soit le premier et illustre fondateur de l’Eglise de Reims… D’après le récit hagiographique de Flodoard, les Vandales quittèrent Reims apeurés, comme Alaric quitta Rome après son sac de la Ville en 410. (cf. JJ Valette SACSAM 2006, p. 48-49 et SACSAM 2010, p. 43-44). On ne sait presque rien au sujet de la réalité des prises des villes, de leur rivalité (Reims, Troyes, Sens, Metz, etc.) pour le mérite d’avoir été brûlées, dévastées par les Barbares, instruments de la colère de Dieu mais sauvées aussi par Dieu et surtout par ses évêques méritants (cf. M. Sot : Flodoard, un historien et son Église, Fayard, 1993).
Quant aux trajets d’Attila ou de ses prédécesseurs envahisseurs utilisant les voies-autoroutes gallo-romaines, les hypothèses sont traditionnelles et le plus souvent liées aux anciennes découvertes de trésors monétaires. On trouve, entre autre, des passages résumant bien ces circulations barbares dans : JJ Hatt, Histoire de la Gaule Romaine, 1966, pp. 350-367.
Pour une bonne lecture de toutes les sources écrites concernant Attila dans les Gaules en 451, voir l’ouvrage de 1833 de J.-F. Tourneux (et non Journeux) que l’on trouve facilement sous forme de fac-simile sur Gallica : [voir le lien] ou bien recomposée : (chapitre 1 : Histoire de l’Invasion, chapitre 2 : Résumé des historiens).
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